L’âge d’or de la peinture anglaise

De Reynolds à Turner, chefs-d’oeuvre de la Tate Britain

Jusqu’au 16 février 2020

Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, Paris 6e

Le musée du Luxembourg explore comment le marché de l’art a fondamentalement changé en Grande-Bretagne à l’avènement de George III (1760). Deux portraitistes talentueux Joshua Reynolds (1723-1792) et Thomas Gainsborough (1727-1788) tirent leur épingle du jeu.

Joshua Reynolds, L’Honorable Miss Monckton, 1777-1778
Huile sur toile © Tate, London, 2019

Le parcours s’ouvre sur un face à face entre les deux maîtres. A gauche, les portraits en pied et études intimistes de Joshua Reynolds, l’intellectuel faisant des références historiques, qui deviendra le premier président de la Royal Academy of Art (RAA) en 1768. A droite, les oeuvres de Gainsborough s’inscrivent dans le temps présent et cherchent à traduire la vie qui anime ses modèles.

Au fond de la première salle trône un portrait de J. Reynolds, récemment acquis par la Tate Britain, représentant Frederick Howard, 5e comte de Carlisle. Il pose tel l’Apollon du Belvédère. L’éclairage et le traitement des couleurs rendent hommage à la Renaissance vénitienne. Une touche expressive et des empâtements généreux mettent en valeur les détails et la richesse de ses habits.

La seconde partie de l’exposition explore les changements que connaît le marché de l’art britannique. Fini le temps des commandes royales ou du mécénat aristocratique, bonjour le capitalisme ! Les artistes doivent se montrer compétitifs et attirer l’attention sur eux. Tel Thomas Lawrence et son portrait de la célèbre actrice Mrs Sarah Siddons (1804). Héritier à la fois de Reynolds et de Gainsborough, il accentue le contraste des couleurs (robe noire contre un mur rouge), et la hauteur de sa posture. Il présente son oeuvre à la RAA – comme reproduit dans l’exposition – en la faisant accrocher sur une cimaise au fond vert pour accentuer l’effet dramatique des couleurs. Britain oblige, toutes les excentricités sont permises !

George Romney, Mr et Mrs William Lindow, 1772
Huile sur toile © Tate, London, 2019

La salle suivante met en scène le développement des « conversation pieces« . Contrairement aux portraits, et contrepied à la dureté de l’économie de marché, ces scènes de format plus petit introduisent un peu d’humanité. Subtilement bien sûr, on n’est pas dans l’étalement des sentiments ! George Romney représente ainsi Mr et Mrs William Lindow (1772), dont les bras se rejoignent au centre de la composition – sans se toucher, tout de même !

Joshua Reynolds, Le Colonel Acland and Lord Sydney: Les Archers, 1769
Huile sur toile © Tate, London, 2019

On arrive ensuite devant un chef d’oeuvre de l’exposition : un portrait réalisé par Reynolds du Colonel Acland et de Lord Sydney dit Les Archers (1769). Dans cette composition dynamique, les deux hommes tendent leurs arcs à l’orée d’un bois. Cette toile introduit la section sur le spectacle de la nature. Ici elle est mise au service d’une nouvelle image héroïque de l’élite britannique. Tandis que George Stubbs s’attarde sur sa portée pittoresque et Georges Morland fait le pari du grand format pour représenter un sujet rural, considéré comme mineur, de l’intérieur d’une écurie (1791). Ce dernier attire d’ailleurs l’attention en présentant son oeuvre à la RAA aux côtés d’un portrait aristocratique ! « Mélanger les genres artistiques est une autre conséquence de la liberté de marché », commente Martin Myrone (conservateur en chef, Tate Britain), co-commissaire de l’exposition.


John Constable, Marlvern Hall, dans le Warwickshire, 1809
Huile sur toile © Tate, London, 2019

La section suivante aborde le développement de l’aquarelle. Elle ne sert plus seulement à rehausser un dessin de couleurs mais elle devient un médium en soi. John Constable (Marlvern Hall, dans le Warwickshire, 1809) et Joseph Mallord Williamm Turner sont particulièrement friands de ce nouveau type de peinture.

Une section est consacrée au rôle de l’art qui contribue à occulter l’exploitation coloniale. Les portraits des esclavagistes ne relatent pas d’où viennent leurs richesses. Johan Zoffany (Le Colonel Blair avec sa famille et une servante indienne, 1786), William Hodges (Tombe avec une vue au loin sur le massif de Rajmahal Hills, 1782) ou Thomas Daniell (Eidgah à Amroha, 1810) se contentent de reproduire des paysages sereins, plus ou moins exotiques, pour évoquer l’empire britannique.


John Martin, La Destruction de Pompéi et d’Herculanum, 1822
Huile sur toile © Tate, London, 2019

La dernière salle illustre comment la peinture d’histoire évolue pour se faire comprendre non plus seulement d’une élite mais du plus grand nombre. Turner parvient à marier les deux aspects en présentant une peinture qui fait référence aux grands maîtres du XVIIe siècle tout en proposant des scènes spectaculaires (La Destruction de Sodome, 1805). On retrouve cette recherche de l’impact visuel chez John Martin, dont l’incroyable Destruction de Pompéi et d’Herculanum (1822) embrase le regard et clôt l’exposition.

Des oeuvres où le sublime est de mise !

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