…Le climat révélé par les glaces
Jusqu’au 30 avril 2009
Conservatoire des arts et métiers, 60, rue Réaumur 75003, 5,50€
Inondation des régions humides, sécheresse dans celles où il ne pleut pas assez (qui a dit que la nature était bien faite?), élévation du niveau de la mer, trou d’ozone… Nous avons tous entendu parler des bouleversements climatiques liés à notre mode de vie moderne et pollueur. Au risque d’enfoncer l’écharde un peu plus profondément, le musée du Conservatoire des arts et métiers aborde le sujet délicat du changement climatique à travers une thématique originale: l’analyse de l’atmosphère. Le meilleur endroit pour l’étude de cette fine enveloppe de gaz sont les régions polaires. Embarquement immédiat pour une expédition glaciale…
« Atmosphère… Le climat révélé par les glaces » montre comment les scientifiques ont mis en évidence le dérèglement du climat grâce à leurs observations effectuées dans les régions polaires depuis une cinquantaine d’années. L’exposition donne la part belle à d’étranges instruments de mesure qui leur ont permis de travailler en terrain si hostile.
L’entrée de l’exposition reconstitue la base française Charcot – en hommage au médecin et aventurier Jean-Martin Charcot (1825-1893) – située au coeur de l’Antarticque. La station est créée à l’occasion de l’Année Géophysique Internationale (1957/58), qui coïncide avec la troisième Année Polaire Internationale (API).
Les API sont mises en place à la fin du XIXe siècle par le Congrès international de météorologie. Elles n’ont lieu que tous les 50 ans en raison de leurs lourdeurs techniques et financières. Elles permetent d’étudier les pôles sur une année complète, du début de l’été boréal à la fin de l’hiver austral.
Trois API ont déjà eu lieu: 1882/83 (centrée sur l’astronomie), 1932/33 (analyse des courants atmosphériques), 1957/58 (étude du lien entre la Terre et le Soleil). Nous sommes actuellement dans la quatrième API (mars 2007/2009), axée sur l’évolution du climat.
La station Charcot se situe à 69°22’Sud-139°01’Est, en plein coeur de l’Antarctique. Recouvert d’une calotte de glace de 4km d’épaisseur, ce continent constitue 80% des ressources d’eau douce de la planète. Il enregistre la plus basse température (-89°C) et est le plus exposé au vent (jusqu’à 300km/h). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, précise le commissaire délégué de l’exposition, Bertrand Cousin, il n’y neige pas! L’air y est plus sec qu’au Sahara. Un ciel si dégagé optimise les recherches en astronomie. La banquise possède un autre avantage: ses strates permettent d’analyser le climat sur plusieurs miliers d’années.
Selon la légende, Claude Lorius (né en 1932) – glaciologue émérite du CNRS, prix Nobel de la paix en 2007 avec Al Gore et l’un des trois premiers hommes à avoir été largué au milieu du désert de glace antarticque pendant un an sans relève – aurait découvert l’importance des bulles d’air piégées dans la glace en buvant un verre de whisky!
Grâce aux carottiers, les forages, réalisés depuis les années 1980, ont permis de confirmer que la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère influence la température et amplifie les changements climatiques. Leur augmentation des 150 dernières années est la plus élevée que la Terre ait connue depuis 800.000 ans…
L’Année Géophysique Internationale a également permis d’analyser le mystère des aurores boréales grâce aux satellites américains Explorer 1 et 3. Avant ces satellites scientifiques, Auguste de La Rive (1801-1873) avait inventé un appareil à reproduire le phénomène des aurores polaires. Le physicien suisse avait compris que ces phénomènes atmosphériques étaient causés, comme les orages, par des décharges entre l’atmosphère, chargée positivement, et la Terre, chargée négativement.
L’exposition se termine par la présentation – photographie panoramique spécialement commandée pour l’exposition et maquette – de la nouvelle base franco-italienne, Concordia, ouverte en 2005. Une manière de faire écho à la station Charcot du début de l’exposition. Concordia est composée de deux bâtiments circulaires reliés entre eux par une passerelle. L’un des bâtiments est dit « bruyant » (cuisine, salle des machines), l’autre « silencieux » (chambres, hôpital).
Une interview de Jean-Christope Victor, fils de Paul-Emile Victor (1907-1995) soulève l’inquiétude: l’Antarticque est protégée par le Traité de l’Antarctique (1959) de toute exploitation commerciale, continent dédié à la paix et aux recherches scientifiques jusqu’en 2041. Mais après? Les scientifiques se disent pessimiste, la pression des enjeux économiques – ressources énergétiques d’importance, tentation d’activités militaires, d’essais nucléaires ou de dépôt de matières dangereuses – se faisant trop forte pour reconduire un tel traité.
Alors que le public prend de plus en plus conscience de la nécessité de ne pas prendre la Terre pour une poubelle (même la Chine entend faire des progrès en terme environnemental), pourquoi les politiques – que nous élisons – devraient-ils agir à contre-sens de la volonté publique et plier sous le poids des industriels? Voilà un beau paradoxe de nos temps modernes…