Zen et art à Kyôto

Jardin du Kaisandô, 1807. Shôkokuji (c) Shôkokuji TempleShôkokuji, Pavillon d’Or et Pavillon d’Argent
Jusqu’au 14 décembre 2008

KUROSAWA Akira – Dessins
Jusqu’au 11 janvier 2009

Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, avenue Winston Churchill 75008, 7€

Pour célébrer le 50e anniversaire du jumelage enre Kyôto et Paris, le Petit Palais a reconstitué les intérieurs de trois temples Zen de Kyôto, le Shôkokuji, le Kinkaku (Pavillon d’Or) et le Ginkakuji (Pavillon d’Argent). Dans une section parallèle sont exposés les dessins du célèbre cinéaste japonais, KUROSAWA Akira (1910-1998).
Deux expositions qui permettent de s’imprégner de la culture savante japonaise, au delà des idées réductrices que l’Occident peut s’en faire.


1ERE PARTIE: LA PHILOSOPHIE ZEN

Une sélection de photographies contemporaines de MORITANI Hiroshi introduisent le visiteur aux activités quotidiennes des suiveurs de la tradition spirituelle zen.

La première salle de l’exposition présente des portraits (chinzô) et calligraphies (bokuseki) des premiers moines qui enseignèrent le zen au Japon.
A droite figurent les portraits de maîtres chinois, qui ont importé la philosophie zen au Japon. Le bouddhisme zen serait arrivé en Chine par le biais du moine Boddhidharma, originaire de l’Inde, au début du VIe siècle, avant d’être véhiculé au Japon. Les autorités japonaises, méfiantes, freinèrent son développement jusqu’en 1191. Mais « entre le XIIe et le XVIe siècle, le zen devient un important vecteur de la culture chinoise au Japon », explique Michel Maucuer, commissaire de l’exposition (conservateur en chef au musée Cernushi, qui expose les estampes et peintures du Monde Flottant).

Les premiers temples zen sont érigés par le moine Yôsai, appelé aussi Eisai (1141-1215).
La philosophie se diffuse au Japon à travers les chefs militaires (shoguns), notamment TAKAUJI Ashikaga (1305-1358), TADAYOSHI (1307-1352), et MUSO (1275-1351).
Cinq grands temples zen (Tenryûji, Shôkokuji, Kenninji, Tôfukuji et Manshûji) prennent pour modèle les « Cinq Montagnes sacrées et dix temples du zen chinois (l’ensemble symbolisent la totalité de l’Empire du Milieu). (Ils sont d’abord construits à Kamakura puis à Kyôto.

Les portraits répondent à une convention iconographique stricte afin de respecter le devoir de culte des maîtres. Cette vénération est liée à l’une des caractéristiques essentielles du zen: la transmission directe de la Loi (Dharma) d’un esprit à un autre esprit (ishin denshin), du maître au disciple.
Une fois le portrait du maître réalisé par un artiste professionnel, celui-ci fait don de son écriture et « signe » le portrait par la calligraphie qui révèle ses qualités.

Portrait du shogun YOSHIMASA Ashikaga (1436-1490). Calligraphie de SHOCHIN Kokei (fin XVIIe-début XVIIIe siècle). Anonyme. Japon, période Edo (1615-1867). Encre et couleurs sur soie (c) Jishôji TempleLa deuxième salle évoque la création du Pavillon d’Or par le régent YOSHIMITSU Ashikaga (1358-1406). Ce shogun est particulièrement important dans l’histoire du Japon car il a unifié les royaumes du nord et du sud et a favorisé les échanges commerciaux avec la Chine. C’est lui qui fit construire le Shôkokuji et le Pavillon d’Or (classé au patrimoine de l’Unesco depuis 1994), surmonté d’un phénix (hôô), oiseau qui a la réputation d’apparaître en la présence d’un souverain vertueux. Le Shôkokuji représente l’un des principaux temples de l’école zen Rinzai à Kyôto. Il compte sous son administration plus de cent temples de Kyôto, dont le pavillon d’Or et le pavillon d’Argent.

Il est question ensuite des rites du zen. En théorie, le zen accorde une place importante à l’expérience immédiate et spontanée. Sous l’influence des écoles bouddhiques du Shingon, du Tendai (axé sur la méditation) et du Shugendô (centrée sur l’ascèse en montagne), le zen s’est teinté d’ésotérisme. Ce qui explique que, dans la pratique, un certain nombre de rituels se soient développés. Par exemple, le rituel de la Pénitence de Kannon (Kannon Senbo), qui vise à expier ses péchés. Lors du rituel, on prie devant l’image du bodhisattva (« être d’éveil », qui a atteint la perfection mais qui a décidé de se vouer à soulager les souffrances du monde, avant de le quitter) tout en l’invoquant. C’est la métaphysique de la présence, c’est à dire la croyance que la divinité est présente dans et par le rituel.

Daruma (Bodhidharma) méditant dans la grotte. Anonyme. Japon, XIIIe ou XIVe siècle. Calligraphie de JOSHO Musho (1234-1306). Encre et couleurs sur soie. Rokuonji. Bien Culturel Important (c) Rokuonji TempleFace aux portraits de Kannon (bodhisattva de la Compassion) et de Monju (bodhisattva de la Sagesse) est exposé le portrait de Bodhidharma (Daruma en japonais), 28e patriarche indien du zen (chan en chinois), considéré comme l’une des principales figures sacrées de cette doctrine spirituelle. La légende raconte qu’il aurait croisé le roi chinois Wu des Liang (roi entre 502-549) qui l’aurait ignoré. Ce qui aurait consuit Bodhidharma à traverser le Grand Fleuve, monté sur un jonc, et a médité pendant neuf ans devant la falaise du temple Shaolin, vêtu d’une simple étole rouge.

Destinés à la prière et à la méditation, les temples sont aussi des lieux de création artistique. Les moines s’intéressent autant à la peinture qu’à la poésie. Pendant la période Muromachi (1333-1573), ils instituent la culture des Cinq Montagnes (Gozan bunka), inspirée du zen chinois et voyagent au Pays du Milieu pour étudier leur art à sa source. Leurs rouleaux (jiku) associent ainsi peinture (ga) et poèmes chinois (shi).
Les moines peintres (gasô) suivent deux grandes écoles: celle de Shôkokuji fondée par le moine Josetsu et dont le représentant le plus célèbre s’appelle SESSHU Toyo (1402-1506), et celle de KANO, fondée par KANO Masanobu (1434-1530) et connue pour KANO Tab’yû 1602-1674), qui a développé la peinture à l’encre.

Le palais d’Higashiyama a été construit par le régent YOSHIMASA Ashikaga (1443-1490), dont le règne a été particulièrement sanglant mais qui a atteint le paroxysme au niveau culturel. Ce n’est qu’à la mort du shogun que le palais prend le nom de pavillon d’Argent.

Bol à thé à motif de pin, bambou et prunier (shochikubai-mon) dans un cartouche en forme de calebasse. NINSEI Nonomura (Japon, XVIIe siècle). Grès à décor polychrome et dorure sur la couverte. Rokuonji (c) Rokuonji TempleYOSHIMASA a encouragé les pratiques japonaises comme la cérémonie du thé (chanoyu, littéralement « eau chaude pour le thé »), l’arrangement floral (ikebana) et le développement de l’usage  de l’encens.
La cérémonie du thé répond à une étiquette précise. De l’eau chaude purifiée est mélangée à du thé vert en poudre (matcha) et battu avec un fouet en bambou pour créer une émulsion. Les premiers plants de thé vert auraient été rapportés de Chine par Yôsai. Au XVe siècle, le thé était servi dans des ustensiles décoratifs (karamono) importés de Chine. A partir du XVIe siècle, en revanche, la mode était de servir le thé dans des objets japonais ou coréens modestes, voire défecteux, mais choisis avec soin. Cette vogue du « thé pauvre » (wabicha) s’accompagne de la création de cabanes imitant les retraites d’ermites, appelées sôan.
Les maîtres du thé (chajin) sont chargés d’entretenir les ustensiles, de servir le thé, de fixer les règles et les méthodes de la cérémonie. Ils jouent également un rôle de conseiller artistique. Depuis la création des grandes écoles de thé, sous l’influence de Sen no Rikyû (1522-1591), artistes et maîtres du thé travaillent ensemble, tels Kanamori Sôwa et Nonomura Ninsei qui jouèrent un rôle important au XVIIe siècle dans le développement de la céramique à Kyôto.

Les dernières salles présentent les oeuvres de grands peintres de Kyôto au XVIIIe siècle, tel Itô Jakuchû (1716-1800), souvent considéré comme excentrique – « une des formes sous laquelle un bodhisattva peut apparaître sur terre », précise Michel Maucuer.

Loin d’être d’un accès facile, cette exposition vise à introduire l’une des formes du bouddhisme japonais, le zen, et sa relation aux arts. Les textes, aussi pédagogiques que possibles, éclairent ces traditions complexes. Car « il ne s’agit pas ici de salles de relaxation! », met en garde avec humour le commissaire de l’exposition. Par ailleurs, le Petit Palais a mis en place un certain nombre d’activités pour accompagner cette exposition (cérémonie du thé, arrangement floral, concerts, etc.) et faire découvrir au public le raffinement de l’art japonais.

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