Bénin, 5 siècles d’art royal
Diaspora, exposition sensorielle
Jusqu’au 6 janvier 2008
Musée du quai Branly, 222 rue de l’Université 75007, 01 56 61 70 00, 8,50€
Le musée du quai Branly fait sa rentrée autour de deux expositions fortes, l’une ancrée sur le passé avec l’art et la culture du royaume de Bénin (au sud de l’actuel Nigeria). L’autre, collective, est une création contemporaine, rassemblant des artistes aussi acclamés que Claire Denis, Agnès Godard, John Galliano, etc., Une exposition sensorielle autour du thème de la diaspora africaine. Ou, selon les termes de Claire Denis, sur ceux qui sont « partis du ventre de la nounou cosmique ».
DEUXIEME PARTIE: DIASPORA
Si l’on considère que les premiers humains sont apparus sur le sol d’Afrique, la première diaspora (dispersion, et par métonymie, la communauté qui s’est dispersée) africaine remonte aux origines mêmes de l’humanité. Ce pourquoi, la cinéaste Claire Denis, parle de « nounou cosmique ».
L’idée de cette exposition sensorielle, n’est pas d’évoquer la douleur du départ, mais le « surgissement, l’expansion, la conquête ouverte sur les autres et sur le monde ».
Les artistes présents parlent à travers leurs oeuvres, spécialement conçues pour l’exposition, de leur vision personnelle de la diaspora. Une réflexion sur le rapport aux origines – géographiques et communautaires.
Claire Denis et Lilian Thuram: La diaspora selon L. Thuram
Claire Denis, née à Paris, a vécu au Cameroun jusqu’à l’âge de 14 ans. Si elle n’a jamais eu le sentiment d’être africaine – « je n’ai pas été élevée comme Mowgli »! – elle se sait étrangère. Un sentiment qui naît quand « on a quitté sa base, quand on a expérimenté ce mouvement vers l’inconnu, vers l’incertitude, vers l’espoir aussi, car aller ailleurs c’est aussi tout en attendre. Dans cette peur-espoir, quelque chose se cristallise, et pour toujours après, on est un peu étranger ». Claire Denis filme le footballeur Lilian Thuram et lui pose à son tour la question de ce qu’il ressent en tant « qu’étranger ». Le film est dispatché sur divers écrans positionnés sur les murs des autres installations pour mieux dialoguer avec elles.
Jean-Pierre Bekolo (cinéaste et professeur): Une Africaine dans l’espace
Sur plusieurs écrans, organisés en cercle, sont diffusées des interviews de personnes ayant émigré aux Etats-Unis et incarnant une success story. Une fuite des cerveaux qui se prolonge dans le projet d’envoyer une Africaine dans l’espace. Pour « redéfinir le cosmos comme un espace africain, faisant de nous tous des Africains, des individus en quête d’un monde plus humain ».
Caroline Cartier (journaliste sur France Inter): Goguma
Des voix d’enfants pour évoquer la couleur de la peau: « En soninké, ‘Goguma’, ça veut dire pleure pas./Et là, même si je suis grande, quand je pleure ma maman elle me prend dans ses bras/et elle me dit encore:’goguma’./Ce qu’on montre sur notre visage./En vrai, je suis marron mais tout le monde dit que je suis noire/et moi aussi je le dis./Y’en a qui aiment bien être noirs et y’en a qui aiment pas être noirs./Parce qu’ils trouvent que noir c’est trop foncé./Arrête c’est pas drôle[…]. »
John Galliano (créateur de Christian Dior): Robes Massaï
Des robes exotiques évoquant une tribu Massaï: « robe de sirène dont la traîne est peinte de fleurs tropicales »; une « cascade de jupons de tulle et d’organza peint de nuance orange soleil brûlé »; etc. Du rêve pur.
Agnès Godard (directeur de photographie du cinéma français): Des Hommes, des femmes, des enfants
Diaspora comme « mouvement, déplacement ». Un magnifique panorama photographique d’individus formant une chaîne humaine en mouvement, refléchie par des miroirs. Des « images à facettes créées à chaque pas ».
Mahamat-Saleh Haroun (journaliste, cinéaste): Ombres
Installation vidéo sur l’errance, « mouvement vital faisant partie intégrante de toute vie humaine ».
Jeff Mills (Dj) et Brice Leboucq (ingénieur du son): African innervisions (introspections africaines)
Ils ont confectionné la bande sonore (« l’architecture sonore ») de l’exposition. Selon Jeff Mills, « l’Afrique et les Africains de demain jouent un rôle clé dans l’exploration de l’Esprit humain, du Système Solaire et de l’espace encore inconnu de l’Homme: cette idée a été le point de départ de ma musique. […] La bande sonore qui accompagne l’exposition fait écho aux percussions et aux rythmes tribaux, et repose par ailleurs sur des séquences complexes qui illustrent la manière dont j’imagine l’évolution de l’esprit de l’Afrique au fil des progrès technologiques et scientifiques à venir. »
Mathilde Monnier (chorégraphiste) et Karim Zeriahen (réalisateur): Dans tes cheveux
La diaspora traduite par la danse. L’influence de la danse africaine et noire américaine dans la danse moderne et contemporaine mais aussi dans la danse jazz, les claquettes, et la danse hip hop. Une création se traduisant par quatre images se faisant face et dans lesquelles dansent des silhouettes pour « entretenir une ambiguïté sur la couleur de la peau de la danseuse ». Laquelle est dotée d’une coiffure afro « qui serait aussi le point de départ du mouvement. Danse du chignon lissé, perruque nattée, ou bien perruque monument comme une princesse africaine… Chacune des quatre danses est aussi la construction d’une figure, d’une posture, d’un style ».
Yousry Nasrallah (cinéaste): Le fond du Lac
Pièce aquarium dont les cinq surfaces reflètent des images d’eau. Il s’agit du lac Nasser, réservoir d’eau pour l’Egypte, alimenté par le barrage d’Assouan et pour la construction (entre 1958 et 1970) duquel plusieurs milliers de villages nubiens ont été évacués. Au sol, le visiteur s’aperçoit qu’il est au-dessus d’une maison nubienne noyée sous le lac. Chaque mot émis par les visiteurs est capté par des micros et renvoyés par des hauts-parleurs. Tel l’écho d’une voix que l’on entend quand on fait de la plongée sous-marine.
David Serero, architecte, est responsable de la scénographie de cette exposition originale. Il s’est inspiré de la trame de la ville de New York « où le phénomène urbain représente un modèle exacerbé d’expression des diversités que représente la diaspora africaine » et de la voie lactée comme un « dispositif naturel de navigation et de repérage dans l’espace ».
Enfin, l’exposition se conclut par un sas – un long canal qui évoque les infrastructures d’aéroport, afin de déstabiliser le visiteur, dans ses repères visuels et sonores.
Si avec tout ça, vous n’avez pas envie d’aller voir cette exposition…
Le musée du quai Branly ouvre, pour accompagner l’exposition Diaspora, un Catalogue Numérique expérimental.
Nous vous invitons à découvrir les espaces dédiés sur Myspace, Flickr, Dailymotion et YouTube et profiter de leur interactivité pour échanger et partager votre vision de la Diaspora Africaine contemporaine, ou tout simplement votre ressenti de l’exposition.
http://www.quaibranly.fr/diaspora
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