Objets blessés: la réparation en Afrique
Jusqu’au 16 septembre 2007
Musée du quai Branly, Galerie suspendue Est, 206 et 218 rue de l’Université ou 27, 37, 51 quai Branly 75007, 01 56 61 70 00, 8,50€
Autre exposition dossier du musée du quai Branly, « Objets blessés: la réparation en Afrique », présente un angle original – les collections muséales des objets abîmés portant la trace de leur restauration ou réparation, selon le contexte.
Loin de vouloir offrir un nouveau type d’exposition comme sous l’effet d’une mode éphémère – l’exposition d’objets réparés est fréquente en Afrique mais tout simplement négligée dans les collections occidentales -, cette problématique dégage des questions fondamentales. Comme l’explique le commissaire de l’exposition, Gaetano Speranza: « A partir de quel degré de dégradation un masque ou une statue perdent-ils leur fonctionnalité rituelle? » Et donc, doit-on les réparer ou les restaurer? Car l’idée de restauration est liée en Occident au sacré, contrairement à la réparation qui se réfère à une fonction utilitaire.
En ethnologie, les objets désignent des pièces ayant eu une fonction utilitaire ou sacrée avant d’entrer dans un musée. Un objet « blessé » sera réparé avec des matériaux simples (agrafes, ficelles, résine) ou restauré dans le seul but symbolique de rendre à l’objet son pouvoir sacré. Comme la statue présentée dans l’exposition qui avait perdu un oeil, remplacé par un clou de tapissier européen. Les deux yeux sont différents mais peu importe! Le principal est que la statue retrouve ses pouvoirs magiques. Car un objet blessé est perçu comme un dysfonctionnement de la société. Réparer un objet, c’est restaurer un culte et soigner la société elle-même. Lui redonner son équilibre. La réparation fait donc partie intégrante de la vie de l’objet et est toujours visible en Afrique.
Rares sont les statues qui sont remplacées au lieu d’être réparées. La décision en revient aux anciens du village, qui la transmettent au forgeron. Le métal confère une nouvelle énergie à l’objet. La dextérité de l’artisan à redonner vie à l’objet traditionnel s’accompagne aujourd’hui d’un savoir-faire moderne pour réparer les vélos, mobylettes, motos et voitures. La réparation constitue ainsi un pivot de la vie économique et sociale africaine.
Statues, masques, calebasses [plantes herbacées consommées fraîches comme légume ou le plus souvent utilisées à l’état sec pour réaliser divers objets] et photographies rendant hommage aux réparateurs constituent les thématiques de cette exposition didactique sur le fond, mais artistique sur la forme. Car ces objets usuels changent de statut une fois entrés dans un musée. Utilitaires ou rituels, ces objets souvent blessés en raison des intempéries, des accidents, des termites, etc., deviennent le garant de la préservation d’une culture ancestrale. Une nouvelle fonction, qui impose le respect, contrairement à l’attitude des premiers collecteurs (militaires, religieux, scientifiques, marchands ou simples voyageurs), qui leur péféraient les objets intacts.
Exposition passionnante, à rapprocher des recherches réalisées actuellement au sein de la section conservation, restauration d’objets d’art de l’ESA Saint-Luc de Liège (Belgique), sur les objets européens (notamment la céramique). Un article conjoint est d’ailleurs en préparation…