Göksin Sipahioglu – Monsieur Sipa photographe
Sabine Weiss – Un demi-siècle de photographies
McDermott & McGough – An experiennce of Amusing Chemistry Photographies 1990-1980
Mutations II – Moving Stills
Jusqu’au 25 janvier 2009
Maison Européenne de la Photographie, 5/7 rue de Fourcy 75004, 6€
Photojournalisme et images humanistes, ambiance victorienne et nouveaux médias se côtoient à la Maison Européenne de la Photographie, en l’honneur du Mois de la Photo à Paris. Quatre expositions talentueuses qui offrent un panorama de divers points de vue esthétiques et de techniques photographiques des années 1950 à nos jours.
FOCUS SUR GOKSIN SIPAHIOGLU
Co-fondateur de l’agence de presse Sipa (1969) avec Phyllis Springer, Göksin Sipahioglu (né en 1926 à Izmir, en Turquie) a couvert les sujets d’actualité les plus chauds de la planète. Comme la crise des missiles à Cuba (1962), l’indépendance de Djibouti (1967/77), la guerre des Khmers Rouges, mai 1968 ou encore la Chine de Mao.
Pour autant, l’exposition ne montre aucune photo sanglante. La seule trace effective de violence est suggérée par le plus grand tirage de l’expo représentant des soldats français après le référendum d’indépendance à Djibouti (mars 1967) qui tirent sur le photographe ! Une photographie qui sera censurée par le gouvernement.
Pour le reste, la violence est sensiblement suggérée: un enfant-soldat tenant un fusil dans les mains avec derrière lui des débris de bâtiments, des entraînements de Chinois(es) avec ou sans fusil (le geste suffit) scandant un hymne à l’encontre des Etats-Unis, des enfants grimpant des monticules de pierres dans les rues parisiennes en mai 1968, une jeune femme montant la garde devant une banque cubaine lors de la crise des missiles. Ou encore une Palestienne longeant une corde dans l’eau pour se rendre en Jordanie lors de la Guerre des Six Jours (1967) – le tout premier photo-reportage de G. Sipahioglu, qui débute l’exposition de la MEP.
Face au portrait de cette vieille femme figure celui du photographe, appareil en bandoulière, côte à côte avec la photographie d’une Chinoise âgée, adossée à un arbre. L’une des images préférées de Goksin. « C’était à l’époque où la Chine donnait peu de visas aux étrangers », m’explique-t-il. « Dès que je l’ai obtenu en 1965, j’ai foncé là-bas où j’ai pu assister au dernier grand défilé révolutionnaire (01/10/1970) sous l’égide de Mao. Cette femme m’a vu entrer dans le parc, elle n’a pas bougé, seul son regard m’a suivi ». Une époque où les écoliers récitent par coeur des passages du Petit Livre Rouge.
Aujourd’hui, la Chine continue de fasciner le photographe. Lorsqu’il dirige Sipa Press, G. Sipahioglu n’est plus autorisé à publier ses photographies. « Pour ne pas faire concurrence aux employés », susurre-t-il le sourire aux coins des lèvres. Mais il a renoué avec sa passion depuis qu’il a quitté l’agence (2003). Pour se tourner vers la Chine, encore, et capturer les nouveaux chamboulements que connaît le pays.
Cette exposition a été montée grâce à l’aide de Ferit Duzyol, rédacteur chez Sipa Press, qui a sélectionné les photographies parmi la pléthore d’archives de G. Sipahioglu. Un travail de longue haleine qui lui a permis de retrouver un négatif représentant une danseuse du ventre à Istanbul (1962). « C’est la première fois que cette photo est éditée », me précise-t-il fièrement.
Si Goksin a déjà exposé en France (à Perpignan en 1999 et à Paris pour le Mois de la Photo en 1998), cette exposition à la MEP offre au public des images d’actualité précieuses. Bien qu’elles aient fait le tour du monde des couvertures de journaux de l’époque, elles n’avaient jamais encore été mises en scène dans une exposition d’envergure.
NB: Pour des raisons de droits d’auteur, cet article ne peut comporter que deux visuels.