Jusqu’au 6 septembre 2010
[fnac: http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/recherche-billet-musee-louvre-meroe-prioritaire.htm#a1280502715257]
Musée du Louvre, Aile Richelieu, entresol, 75001
Le musée du Louvre présente sa première exposition consacrée aux résultats de ses fouilles entreprises depuis 2007 au Soudan, à Mouweis, non loin de la mythique Méroé. Capitale de l’Empire à qui elle a donné son nom (IIIe siècle av. J.-C. – IVe siècle ap. J.-C.), l’ancienne ville, située à 200km au nord de l’actuelle Khartoum, est réputée pour sa prestigieuse nécropole royale, inspirée des pyramides égyptiennes. Mais les Méroïtes ont réalisé bien d’autres productions artistiques et architecturales qui témoignent du raffinement de sa civilisation.
Héritier des royaumes de Kerma (2500 – 1500 av. J-C.) et de Napata (VIIIe – IVe siècle av, J.-C.), contemporain de l’Egypte des Pharaons qui subit la domination des Grecs (332 à 30 av. J.-C.) puis des Romains (30 av. – 395 ap. J.-C.) et des Byzantins (jusqu’en 640), l’empire méroïtique emprunte les codes politiques, religieux et culturels de ces trois grandes civilisations de l’Antiquité. En témoignent trois oeuvres clés: l’autel de Naga, d’inspiration égyptienne, la tête du dieu grec Dionysos ou le gobelet en verre à décor peint et doré d’influence romaine.
Pour autant, l’exposition entend montrer que les Méroïtes ont développé leur propre culture, incarnée par cette remarquable statue en bronze stuqué et doré d’un roi archer (IIe siècle av. J.-C.). Les attributs royaux – double uraeus (cobras), diadème sur le bonnet kouchite (spécialité méroïtique) et collier à triple tête de bélier – sont complétés par le poucier à la main droite et la protection au bras gauche, caractéristiques de l’archer. Cette oeuvre témoigne de la maîtrise des métaux, caractéristique de cette civilsation.
S’il n’est pas certain que les Méroïtes produisaient eux-même leur vaisselle – aucun atelier de verriers n’a encore été découvert à ce jour (les experts supposent que les vestiges retrouvés dans les fouilles étaient importés du bassin méditerranéen) -, le bracelet de la reine Amanishakheto, qui a régné sur le royaume de Méroé au Ier siècle ap. J.-C., met en valeur le talent des orfèvres locaux. Le bracelet fait partie d’un trésor, découvert en 1834 par l’aventurier italien Giuseppe Ferlini, et aujourd’hui exposé à Munich et à Berlin.
Les Méroïtes excellent également dans la poterie fine. Les objets du quotidien (gobelets, bols, jarres) sont réalisés dans une argile noire (tradition soudanaise qui remonte à la préhistoire) montée à la main, ou dans un kaolin blanc fait au tour. Le répertoire décoratif, très varié, emprunte à la fois à la religion égyptienne, aux motifs grecs (vignes, grenades, rainures, motifs trifoliés) et à la culture locale (sorgho, écailles).
Autre caractéristique de la société méroïtique: le rôle des « candaces ». Ce titre est donné à quelques reines qui ont régné à part entière sur le royaume, telle Amanishakheto. Elles sont représentées comme des femmes aux formes généreuses (cf. leur cou marqué des trois plis de Vénus et leur corps opulent, comme sur la stèle biface découverte à Naga), leur visage est parfois scarifié.
Lorsque le souverain est masculin, tel le premier roi qui fonda l’empire de Méroé, Arkamani (vers 270 av. J.-C.), il porte les attributs des pharaons égyptiens. Mais il est vêtu de manière locale, avec le bonnet kouchite aux deux cobras, un manteau, un châle, un long bandeau orné de pompons porté en bandoulière, et une canne posée sur le sol.
Le couple royal vit dans un ensemble de palais, construits dans les principaux centres urbains le long du Nil, dotés d’une architecture luxueuse, de plan carré, à un étage.
Après leur mort, les souverains, comme l’élite, reposent dans des pyramides, entourés de leurs trésors. Tandis que le peuple est enterré sous terre, pratique à laquelle viendront les rois eux-mêmes au IVe siècle. Le corps est soit allongé sur le dos, la tête à l’ouest, selon la tradition égyptienne, soit recroquevillé sur le côté selon la coutume locale.
Des stèles gravées invoquent Isis et Osiris, dieux de la résurrection. Dans le nord du royaume, le défunt est représenté sous la forme d’une statue oiseau-ba (âme), qui symbolise la liberté de mouvement.
Le panthéon méroïtique est dominé par le dieu égyptien Amon sous sa forme anthropomorphe, vêtu du pagne royal, et coiffé de deux hautes plumes ou le plus souvent d’une tête de bélier. Les Méroïtes vénérent également Apedemak, divinité purement locale, figurée sous la forme d’un lion. Il combine les fonctions de créateur universel, de chasseur-guerrier et de protecteur des points d’eau, source de vie.
Amon a pour épouse Mout, d’origine égyptienne et d’apparence svelte, tandis qu’Apedemak est uni à Amesemi, au visage scarifié et aux formes plantureuses.
A l’image de la religion, l’écriture méroïtique s’inspire à la fois du graphisme égyptien, réservé aux textes sacrés et d’une composition locale (écriture cursive), d’un emploi plus large, qui s’appuie sur la phonétique (chaque signe vaut une syllabe). Cette écriture dite « alphasyllabique » a été déchiffrée par le Britannique Francis Llewelyn Griffith entre 1909 et 1911. Si elle peut être aujourd’hui lue, elle reste incompréhensible, l’essentiel de son vocabulaire et de sa syntaxe échappant encore aux experts (hormis quelques mots et formules religieuses).
Vaste région de steppe comprise entre les affluents du Nil, l’Atbara et le Nil bleu, « l’île de Méroé » comme l’appelaient les Anciens, décline à partir du IIIe siècle ap. J.-C., d’abord combattue par les Nubiens à l’ouest et les Blemmyes à l’est. Puis, le puissant royaume éthiopien d’Axoum attaque la capitale et place le sud du pays sous sa domination. La tradition nubienne remplace progressivement la culture méroïtique et, à partir du Ve siècle, l’élite du nord adopte une nouvelle religion monothéiste: le christianisme.
Outre ces très belles pièces, originales et empruntes de mystères, ne manquez pas d’aller voir le plafond peint par Cy Twombly (né en 1928 à Lexington, Virginie) dans la salle des Bronzes antiques (aile Sully, 1er étage). Une contre-plongée sur un ciel azur d’un romantique bleu Giotto, encadré d’une frise composée de quelques figures géométriques circulaires et de l’écriture, chère à l’artiste (ici, le nom de sept sculpteurs grecs). L’ensemble, aérien, flottant, évoque l’univers méditerranéen où baigne l’artiste depuis la fin des années 1950.
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